Synthèse vidéo des visio-réunions Médiation 111 des 21 et 28 avril 2020

Les derniers Mardi Médiation 111 se sont tenus les 21 et 28 avril à 17 heures sur Skype. Nous avons réuni autour de nous une cinquantaine de personnes au total. Voici la synthèse de nos interventions.

En vidéo : https://youtu.be/1nJaEd6Gteo

Le texte

Emmanuel Deun

Un regard psycho-social sur la crise sanitaire du Covid-19, au-delà des apparences.

 En France, le point commun entre toutes les personnes qui vivent la crise sanitaire du Covid-19 tient au fait qu’aucun d’entre nous n’a déjà vécu une pareille situation. La nouveauté est totale au point que toute analogie avec d’autres événements passés (épidémie de grippe espagnole en 1919, crise de 1929, crise économique de l’après-guerre, crise financière de 2008) s’avère non-pertinente. Ce critère de nouveauté totale, auquel s’ajoute le caractère subit de la crise, a pour conséquence, à ce jour une absence totale de représentations collectives de notre vécu. À ce jour, il n’existe qu’une somme de représentations individuelles de la crise sanitaire et sans doute cela explique-t-il la cacophonie discordante des opinions relayées par les médias.

Le propre des opinions individuelles est la primauté de l’émotionnel sur le rationnel. C’est la raison pour laquelle nous devons nous méfier de nous-mêmes et de ce que nous pensons des événements que nous vivons. Tout comme il faudra, au moment de la reprise des activités professionnelles, garder en tête que nos interlocuteurs sont, eux aussi, guidés par leurs propres émotions plutôt que par la rationalité. Si l’on n’y prend pas garde, le malentendu peut être total. Soyons donc prudents dans nos échanges professionnels en cette période si inédite pour tous. Cette prudence peut éviter des conflits mais malheureusement, pour cette raison de primauté de l’émotionnel, ceux-ci risquent d’être nombreux dans le monde de l’entreprise. A ce titre, la médiation pourrait bien être un allié de prédilection des entreprises en ces périodes tourmentées.

Par ailleurs, les entreprises vont être exposées, durant des mois et des mois, à un curieux paradoxe : la puissance étatique reprend force et met fin – temporairement au moins – aux dogmes libéraux mais dans le même temps, la Justice, fonction régalienne par excellence, va être plus fragile que jamais, imposant à tous de prendre en main notre destinée dans la gestion des conflits. La médiation y aidera grandement, à l’évidence.

 

Véronique Poineau-Chantrait

L’intérêt de la médiation face aux difficultés d’exécution de contrats.

En cette période inédite, les entreprises sont confrontées à des difficultés concernant l’exécution de leurs contrats, qui vont forcément générer des contentieux judiciaires aux issues incertaines et risquées.

Si l’État a manifesté son souci de préserver l’équilibre économique des entreprises, les mesures prises ne résoudront pas les conséquences des défaillances contractuelles susceptibles de générer la résiliation des baux commerciaux, la rupture des contrats commerciaux, la perte de marchés de sous-traitance   avec application de pénalités de retard ou de dommages et intérêts, conduisant à des situations aux conséquences insurmontables voire irrémédiables pour l’entreprise et sa pérennité.

Les affirmations selon lesquelles invoquer en cette période de crise sanitaire, les dispositions de notre Code Civil relatives à la force majeure, l’imprévision ou encore l’exception d’inexécution pour se soustraire sans frais ni pénalité à l’exécution de ses obligations contractuelles peut être certes tentant mais présentent un aléa certain et une issue risquée, qui plus est dans un contexte d’engorgement des Tribunaux.

En tant que mode alternatif de règlement des différends, la médiation dont le processus structuré et encadré intègre les principes de négociation raisonnée semble être particulièrement adaptée en cette période de crise pour dénouer les litiges dans lesquelles créanciers et débiteurs d’obligations contractuelles ont certes par nature des positions affichées en opposition mais au fond des besoins et des intérêts communs à la résolution de leurs litiges.

Nul doute que la mise en œuvre du processus de médiation dont les piliers sont le dialogue et la confidentialité absolue des échanges, permettra aux parties d’arrêter, dans un climat apaisé et sécurisé, une solution pérenne qu’elles auront-elles mêmes construite en prenant en considération leurs besoins et intérêts respectifs et ce dans le souci de dénouer la crise financière qu’elles traversent et de construire l’avenir.

 

Michel Buchet

L’intérêt de la médiation en post-confinement dans les relations contractuelles des entreprises entre elles.

Les textes juridiques et les contrats ne sont pas du tout adaptés aux circonstances exceptionnelles de cette crise de sorte que les magistrats auront beaucoup de difficultés à trancher entre les demandes des parties à fortiori dans l’urgence.

Il faudra donc dépasser les positions juridiques des parties en cherchant quelles sont leurs besoins économiques et financiers qui sont à l’origine de ces positions.

Les positions sont par nature inconciliables sauf à transiger c’est dire concéder des droits, couper la poire en deux ou trouver un juste milieu mais cela n’est jamais totalement satisfaisant.

En revanche, les besoins sont dans la plupart des cas parfaitement conciliables.

Ce sera précisément le rôle du médiateur d’aider chaque partie à exprimer, dans une totale confidentialité, ses besoins réels.

Puis, de permettre de trouver elles-mêmes, dans un consensualisme absolu, des solutions spécifiques pleinement satisfaisantes pour chacune d’entre-elles.

Étant précisé que le médiateur se limite à gérer le processus sans jamais intervenir dans le contenu des échanges entre les parties.

La finalité de la médiation est donc de trouver rapidement une solution de sortie au litige caractérisée par la pérennité ; à savoir :

–          Pérennité des relations contractuelles malgré le litige ;

–          Pérennité de l’accord trouvé exclusivement par les parties ;

–          Pérennité de l’entreprise.

 

Carole Penard

L’intérêt de la médiation face aux effets du Covid-19 sur la communauté de travail et par conséquent sur l’entreprise

La crise sanitaire actuelle impacte l’entreprise au niveau économique mais également de manière considérable au niveau de sa force de travail. Cette situation risque de générer du stress, des tensions, des conflits, et plus généralement de la souffrance au travail et par répercussion avoir des incidences particulièrement négatives sur la productivité et les résultats de l’entreprise.

Nous sommes passés dans de nombreux domaines du droit du travail de la proposition à l’imposition. C’est le cas notamment du télétravail actuel qui est différent du télétravail habituel en ce qu’il est susceptible de générer des risques en particulier d’isolement, d’hyper-connectivité, des problèmes de gestion de l’autonomie…

Par ailleurs, grand nombre d’entreprises font face à une communauté de travailleurs éclatée, ceux qui sont au chômage partiel, ceux qui sont en télétravail et ceux qui continuent à travailler à l’extérieur en ayant crainte de la contamination. Après le déconfinement, ceci risque d’induire des malentendus et heurts entre ces personnels.

Le retour dans l’entreprise nécessitera l’adoption par tous les salariés de nouvelles règles d’organisation du travail liées à la protection sanitaire. Des difficultés ou des incompréhensions risquent de surgir du fait de la nouveauté de ces règles et des contraintes de leur mise en œuvre.

Au-delà de l’obligation de sécurité et de santé au travail pesant sur chaque employeur, si elle veut survivre économiquement, l’entreprise doit également se préoccuper du bien-être de son capital humain, son personnel, en l’accompagnant, en favorisant sa cohésion et en gérant ses difficultés. Pour améliorer productivité et qualité du travail, il faut être bien dans son corps mais également bien dans sa tête et dans ses relations avec les autres.

Dans ces conditions, sans attendre la période de déconfinement et plus encore après, l’entreprise ne doit pas attendre de voir s’enkyster les tensions ou les conflits – en imaginant qu’elle n’est pas concernée ou que cela va se gérer tout seul – elle doit utiliser à titre préventif « l’outil » médiation pour une gestion amiable et apaisée des difficultés rencontrées par ses salariés.